Adamou Ndam Njoya : le jeu de l’environnement se fait au niveau local, sur la plantation de café

Pour la première fois, un Sommet mondial des élus locaux pour le climat a été organisé le 4 décembre en marge de la COP21, à l'invitation d'Anne Hidalgo, maire de Paris. Y assistait Adamou Ndam Njoya, maire de Foumban au Cameroun, président du parti d'opposition de l'Union démocratique (UDC), homme religieux, écrivain et membre de l'Association internationale des maires francophones (AIMF).

A la tête, avec son épouse Patricia Tomaino Ndam Njoya, d'une plantation de café de 250 ha à Foumban et d'un coffee shop à Yaoundé, il livre à CommodAfrica son analyse sur l'importance de l'agriculture pour le climat et sur les révolutions techniques en cours dans sa plantations caféière.

 

Quel était, selon vous, l'objectif d'un Sommet mondial des élus locaux en marge d'une conférence comme la COP21?

C'est une grande évolution en ce qui concerne la perception des problèmes du monde. Les chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent souvent au sommet pour évoquer les problèmes de l'humanité. Cette fois-ci, on s'est rendu compte que le jeu se fait sur le terrain, au niveau des collectivités locales décentralisées, c'est-à-dire au niveau des gouvernements locaux que dirigent les maires ou les présidents des régions.

Pour la première fois, un Sommet des maires francophones s'est tenu en même temps que la COP21, la Conférence des parties. Car on s'est rendu compte que tout ce qui est décidé au sommet doit être exécuté au niveau local.

Le gouvernement français et la mairesse de Paris, Anne Hidalgo, l'ont décidé en concertation avec l'Association internationale des maires francophones (AIMF). On s'est dit qu'il fallait avoir la voix de la Francophonie au moment de ce sommet. Mais on a  dépassé le cadre de la Francophonie pour accueillir tous les autres maires.

Nous, les Africains, comme d'autres, souffrons beaucoup de la chaleur. Ceux qui souffrent le plus sont les plus démunis en raison du manque et des insuffisances de l'habitat, de voirie, de santé. On ne s'en rend pas tout à fait compte encore maintenant mais certaines maladies, cardiovasculaires, des poumons, sont liées à la chaleur.

Comment l'agriculture, en particulier la caféiculture et la cacaoculture, peut-elle, selon vous, aider à combattre le réchauffement climatique?

C'est une dimension très importante. On se rend compte que l'agriculture souffre beaucoup de la sécheresse. D'où l'importance pour le monde agricole d'être présent et de poser les problèmes. Une plantation de café comme celle-ci, à Foumban, est un véritable puits de carbone. Quand on voit aux alentours les espaces où il y avait des plantations de café et qui ont été retirées, c'est sec, c'est aride.

Cette campagne caféière, avez-vous souffert de la sécheresse ?

Oui. Et par le passé, nombreux sont ceux qui ont déraciné les caféiers pour planter des produits vivriers. Mais lorsqu'on voit les champs de cultures vivrières, on voit la différence avec les plantations de café car ces dernières résistent : ce sont de véritable oasis et de véritable puits de carbone. On recherche à limiter le réchauffement et l'émission de gaz carbonique mais aussi à avoir des espaces qui puissent absorber ces gaz carboniques. Des plantations comme celles-ci peuvent les absorber mais sont aussi des sources de revenus pour les populations et de lutte contre la précarité et la pauvreté.

Comment, concrètement, le mécanisme de crédit carbone peut être utilisé par vous, propriétaire d'une plantation de café?

Il avait été envisagé de financer ceux qui plantaient des arbres et qui arrivent ainsi à créer des puits de carbone. Mais, jusqu'à ce jour, les financements n'ont pas suivi. Comme maires, nous nous sommes retrouvés à Paris et avons posé ce problème. Nous devons arriver à créer les conditions où on arrivera à financer ceux qui créent des espaces qui deviennent de véritable puits de carbone. Les plantations de caféier ou de cacaoyer constituent de tels puits et on peut imaginer que ces financements permettent d'étendre ces plantations. On luttera contre la pauvreté et on aura développer des puits de carbone.

Pour une plantation comme la vôtre, pourriez-vous avoir de vraies retombées financières ?

Oui, tout à fait. Ici dans notre plantation à Foumban, l'UE a financé des formations de formateurs. Ils ont donné des directives sur ce qui doit être fait dans les plantations pour pouvoir prétendre à ce genre de financement.

Dans le cadre du Festicacao 2015 qui s'est tenu à Yaoundé du 3 au 5 décembre (lire nos informations), des exemples ont été pris de plantations très modernes en Amérique latine non ombragée, industriels, mécanisées, avec des rendements cacao de 3 à 4 t/ha. Nous en sommes très loin ici. Est-ce à dire qu'en Afrique on restera sur des plantations ombragées parce que il y a le volet écologique alors qu'ailleurs on privilégie les rendements?

Je crois que les experts, les techniciens s'interrogent encore. Certains disent qu'il faut ombrager, d'autres disent qu'il ne faut pas. Jusqu'à maintenant, on a ombragé les plantations et cela a donné. Peut-être que les chaleurs sont ici plus fortes que dans certaines régions d'Amérique latine. Mais nous avons décidé, ici à Foumban, d'expérimenter aussi des plantations non ombragées. Nous avons une nouvelle plantation de 5 à 10 ha et avons obtenu des semences de qualité du Brésil. Ces semences sont utilisées à travers le semis direct et nous n'aurons pas d'arbres de couverture. Ce sera à peu près comme au Brésil.

Au niveau de votre plantation, allez-vous vers l'utilisation croissante de biomasse?

Oui. Par exemple, nous faisons du biocharbon. On creuse un trou, on met des herbes, des branches d'arbres qu'on brûle et ça fait du biocharb. On mélange ceci avec des bouses de vache, des herbes, de la terre et cela fait du compost.

Maintenant, nous faisons du semis direct de caféiers. C'est fini la pépinière ! Nous allons mettre 50 000 sachets sans passer par la pépinière. On met le compost dans le sachet, le grain, on plante et ça pousse ! Cela nous permet de gagner en rendement par rapport aux pépinières.

Quel est le nouveau rendement?

On peut aller jusqu'à 3 à 5 t par hectare. Car on travaille avec des semences du Brésil. Le technicien brésilien qui est venu ici nous a dit qu'on était encore aux pratiques coloniales de culture et qu'il fallait dépasser ce stade.

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